L’humain dans l’église
Cette réflexion sur l’aujourd’hui de l’Église serait bien intitulé : les scandales dans l’Église, mais par euphémisme, j’emploie plutôt les termes « l’humain dans l’Église.
Lorsque les mass médias : journaux, radio, TV, et magazines diffusent, à grands renforts de publicité, des scandales dans l’Église, – peu importe la dénomination- chefs religieux, évangélistes, prêtres, religieux et religieuses, laïcs engagés dans une activité pastorale quelconque, quelle est ma réaction ? Que de réflexions n’entend-on pas à ce sujet et qui rendent l’Église moins crédible aux yeux du monde ! Lorsque j’entends attaquer l’Église, est-ce que j’ai peur d’affirmer mes convictions chrétiennes? Est-ce que je deviens indifférent ? Ou encore, le silence est-il mon unique réponse ? Est-ce que je souffre de ne pas voir « L’Église aussi belle et irréprochable » que je la voudrais ?
Si j’aime vraiment l’Église, je devrais souffrir de la médiocrité de ses membres, de la mienne d’abord et ensuite de celle des autres. Quelle inconscience et quelle ignorance face aux problèmes moraux qui ternissent au jour le jour l’image de la Sainte Église ? Quelle inertie, quelle timidité, et, disons-le franchement, quelle lâcheté de la part de certains membres de l’Église ! En un mot, quel manque d’intérêt pour l’Église !
Si je ne souffre pas moi-même de cette situation, je pourrai difficilement en tirer profit et pour moi et pour cette Église des pécheurs dont je suis un des membres. Prendre conscience de cela et en souffrir est chrétien. Prendre conscience de cela et en souffrir est une grâce, nous dit Teilhard de Chardin : « Bienheureux ceux qui souffrent de ne pas voir l’Église aussi belle qu’ils la voudraient […] C’est une peine profonde mais de haute valeur surnaturelle. »
Nous appartenons à une Église de pécheurs, donc il ne faut pas se surprendre, ou moins se scandaliser, de lui trouver des imperfections et des défections. À l’époque de sa fondation, donc au temps de Jésus, que d’hypocrisies, de jalousies, de rivalités, de trahisons, de faiblesses, et même de scandales ! Le Christ l’a prédit clairement : « Il est inévitable que les scandales arrivent ! » (Luc 17,10). Pourquoi alors tant de doutes, de soupçons, de questions concernant l’avenir du christianisme ? Jésus a donné à son Église l’assurance de ne pas périr. C’est la seule assurance absolue qu’il lui a donnée : toutes les autres sont conditionnées par la fidélité de ses disciples. Les faiblesses, les infidélités et les péchés des chrétiens peuvent affaiblir, défigurer, trahir la mission de l’Église, et la conduire même à l’agonie. La seule chose que Jésus garantisse est que cette agonie n’aboutira jamais la mort, la mort de l’Église.
L’Église ne peut pas périr, mais elle peut péricliter ; elle peut se détériorer. Le Christ, par son Esprit, agit constamment dans l’Église, mais son action est souvent entravée par l’infidélité de certains de ses membres. Il y a des pécheurs dans l’Église. Nous le savons bien et nous l’acceptons trop facilement. Il y a des pécheurs dans la hiérarchie et dans le clergé. Ce qui nous surprend davantage et nous scandalise grandement, c’est que nous réagissons comme si cela ne devait jamais arriver. Notre foi et notre amour envers l’Église ne devraient pas reposer sur une ignorance de ses faiblesses et un refus de reconnaître ses misères présentes, passées et futures. Dans l’Église, il y aura toujours des pécheurs d’occasion, des pécheurs d’habitude et des pécheurs d’origine adamique. N’ignorons pas nos propres péchés et ceux des autres membres de l’Église.
Saint Augustin a dit : « Dieu aurait pu ne pas permettre le mal, mais il a préféré le permettre pour qu’il en sorte du bien. C’est ainsi que se manifeste davantage la miséricorde du Seigneur. N’est-ce pas merveilleux ça ? « Heureuse faute !», chante la liturgie pascale. Cette vérité ne s’applique pas seulement au péché originel, mais également à nos péchés personnels. Au lieu de s’attarder aux scandales et à tout ce qui peut choquer dans l’Église, les chrétiens vraiment adultes devraient s’attacher éperdument à cette Église blessée et y trouveront une occasion d’affermir leur foi. Tous ceux et toutes celles qui ont voulu, au cours des siècles, réformer l’Église « ont souffert de ne pas la voir aussi belle, mais n’en sont que plus soumis et plus suppliants ». C’est ce que nous dit Teilhard de Chardin dans Genèse d’une pensée. Texte qu’il serait bon de lire et de relire, quand certains faits déplorables arrivent dans l’Église et qui peuvent parfois nous surprendre ou même nous scandaliser : « Bienheureux ceux qui souffrent de ne pas voir l’Église aussi belle qu’ils la voudraient, et qui n’en sont que plus soumis et plus suppliants. C’est une peine profonde mais de haute valeur surnaturelle. On ne le redira jamais assez : le catholique est celui qui est sûr de Jésus-Christ-Dieu à raison de certains motifs, et malgré beaucoup de scandales. Pourquoi faut-il que trop d’esprits ne voient que les scandales et attendent de les réduire pour aborder les motifs ! » (4 juillet 1915).
Selon Teilhard : « On ne redira jamais assez : le catholique est celui qui est sûr de Jésus-Christ ». C’est une question que je dois me poser de temps en temps. La religion fondée par Jésus n’est ni ensemble de croyances disparates, ni un code de morale, ni un catalogue de vérités à croire, mais l’adhésion de tout mon être à Jésus-Christ.
P. Thomas MBAYE
(À SUIVRE…)